Le travail dissimulé offre à certaines entreprises une façon d’économiser sur les cotisations sociales et fiscales. C’est souvent un moyen de pression sur les salariés, qui est sévèrement puni. Délit pénal, le travail dissimulé coûte également cher à la France. Pour tout savoir sur la nature, les sanctions et les moyens de lutter contre le travail illégal, découvrez notre guide complet relatif à l’emploi dissimulé.
Définition et formes du travail dissimulé
Le travail dissimulé recouvre des infractions et fraudes liées à la dissimulation, totale ou partielle, d’activité ou d’emploi salarié. Dans le cadre de notre mission de défense des salariés, notre cabinet d’avocat en droit du travail s’intéresse plutôt au second cas.
Les situations sont multiples et bien connues : de l’artisan qui préfère un paiement en liquide sans facture à l’employeur qui demande de faire des heures supplémentaires payées de la main à la main.
Certains cas de figure sont parfois complexes. En effet, toute relation d’emploi dotée d’une forme juridique différente de la réalité est concernée :
- travail clandestin (sans contrat de travail),
- recours abusif à des chèques emploi pour des activités exclues,
- utilisation abusive de statuts spécifiques comme celui de micro-entrepreneur ou d’intermittent,
- création de sociétés éphémères ou internationales pour dissimuler des fraudes,
- prêt de main d’œuvre avec bénéfice (marchandage),
- dépassement du volume horaire maximum autorisé par les dispositions du Code du travail ou les règles de la profession,
- emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière sur le sol français ou sans permis de travail en vigueur,
- déclarations erronées en vue d’obtenir des aides publiques.
Quelles sont les deux formes de travail dissimulé ?
- Dissimulation totale ou partielle d’activité pour les entrepreneurs ;
- Dissimulation totale ou partielle d’emploi salarié pour les employeurs.
Travail au noir : les enjeux
Dans le langage courant, le travail dissimulé correspond tout simplement au travail au noir ou travail au black ou encore travail clandestin. L’entreprise se soustrait volontairement au paiement des cotisations sociales et fiscales sur le travail effectué par un tiers.
En général, l’employeur n’hésite pas à menacer le salarié de licenciement (en cas de dissimulation partielle) ou de menaces diverses (obtention ou maintien d’un titre de séjour pour un étranger, notamment).
Les derniers résultats connus de l’Urssaf datent de 2022 : plus de 788 millions d’euros de redressements. Le cumul des années 2018 à 2022 se chiffre à plus de 3,5 milliards d’euros. Les pouvoirs publics souhaitent atteindre 5 milliards d’euros de redressement sur la période 2023-2025.
Le Haut conseil de financement de la protection sociale (HCFPS) estime la fraude sociale entre 5,6 et 7,1 milliards d’euros, dans le secteur privé non agricole. Ce chiffre correspond à 2,5 % environ du total attendu. Cette estimation englobe les cas de fraudes mais aussi les erreurs involontaires.
Les dispositions légales se renforcent au fil du temps depuis 2004 pour gagner en efficacité. Les organismes sociaux, fiscaux et judiciaires travaillent ensemble pour lutter contre ce type d’infraction préjudiciable à l’ensemble du système de protection sociale français.
Dissimulation d’emploi salarié : comprendre les situations
La dissimulation totale correspond à un travail au noir à 100 %. Une entreprise emploie une ou plusieurs personnes sans effectuer aucune déclaration auprès de l’Urssaf :
- pas de DPAE (déclaration préalable à l’embauche) ;
- pas de bulletin de paie ;
- pas de déclarations de cotisations sociales auprès de l’Urssaf ou des services fiscaux : DSN (déclaration sociale nominative), BRC (bordereau récapitulatif de cotisations), DADS (déclarations annuelles des données sociales).
La dissimulation d’emploi salarié partielle intervient lorsqu’un salarié régulièrement embauché ne voit pas toutes les heures effectuées soumises à cotisations sociales. En clair, l’entreprise règle volontairement les heures supplémentaires en liquide pour ne pas les mentionner sur le bulletin de paie.
Autre cas fréquent : imposer à une personne un statut de micro-entrepreneur (ex auto-entrepreneur) pour ne pas payer les cotisations sociales. Dès lors que la personne n’a qu’un seul donneur d’ordre, avec un lien de subordination, la requalification en salariat peut se produire.
Cadre juridique et réglementation en France
Compte tenu des enjeux économiques et sociaux, le travail dissimulé fait l’objet de textes répressifs. La difficulté est de prouver la fraude lors des contrôles des agents de l’Urssaf notamment.
Lois et réglementation contre le travail dissimulé
L’article L 8211-1 du Code du travail classe le travail dissimulé dans les sources de travail illégal. L’article L 8211-5 du même code définit la dissimulation d’emploi salarié comme le fait pour l’employeur :
- de ne pas réaliser volontairement les formalités liées à l’embauche ;
- de ne pas délivrer sciemment un bulletin de paie ou d’y déclarer un nombre d’heures inférieur aux temps réellement accompli par le salarié ;
- de ne pas réaliser intentionnellement toutes les déclarations sociales et fiscales et de se soustraire au versement des cotisations dues.
Le travail dissimulé est un délit pénal. Il nécessite une intention réelle de fraude. Ainsi, les agents de contrôle doivent montrer que l’entreprise a volontairement oublié d’effectuer les déclarations adéquates ou les fiches de paie correspondant aux heures réellement effectuées.
Les articles L 8224-1 et suivants prévoient les sanctions pénales, administratives et civiles que nous détaillons ci-dessous.
Obligations des employeurs en cas de sous-traitance
Le recours à la sous-traitance n’exonère pas l’entreprise donneur d’ordre de toute vérification ! En cas de travail illégal, notamment travail dissimulé, le donneur d’ordre est responsable au même titre que son sous-traitant et encourt les mêmes sanctions que lui.
En effet, la loi estime que toute entreprise a un devoir de vigilance vis-à-vis de ses partenaires. Pour tout contrat supérieur à 5000 €, l’entreprise doit exiger de son sous-traitant une attestation de vigilance tous les 6 mois. L’Urssaf délivre cette attestation dès lors qu’une entreprise ou un entrepreneur individuel est à jour dans les déclarations et le paiement de ses cotisations sociales.
Conséquences du travail dissimulé
Le travail dissimulé peut coûter cher à un employeur. Les sanctions de différentes natures se cumulent.
Sanctions pénales
Le tribunal peut condamner l’entreprise à des sanctions pénales lourdes :
- une amende de 45 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement pour une personne physique) ;
- une amende de 75 000 € et 5 ans d’emprisonnement pour une personne physique si la victime est un mineur ;
- Une amende de 100 000 € et 10 ans d’emprisonnement si les faits sont commis en bande organisée.
- une amende de 225 000 € d’amende pour une personne morale.
En outre, des peines complémentaires peuvent se cumuler :
- interdiction d’exercice dans la fonction publique, dans une profession commerciale et industrielle, dans la gestion d’une entreprise ;
- exclusion des marchés publics pendant 5 ans ;
- confiscation des objets ayant servi directement ou indirectement à commettre l’infraction ;
- diffusion de la décision aux frais de l’entreprise ;
- interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
- interdiction du territoire français pendant 5 ans pour l’entrepreneur étranger.
Sanctions administratives
Des sanctions administratives peuvent également s’ajouter aux sanctions pénales :
- interdiction pendant 5 ans de bénéficier de certaines aides publiques ;
- obligation de rembourser les aides publiques versées l’année précédente ;
- fermeture administrative pendant 3 mois de votre entreprise ;
- dissolution de l’entreprise, si elle a été créée pour la commission de la fraude.
Ces sanctions administratives sont différentes et indépendantes des sanctions pénales prononcées par un tribunal.
Sanctions civiles
Enfin des sanctions civiles s’appliquent. Des sanctions spécifiques s’appliquent au redressement de cotisations de l’Urssaf, même en cas de redressement forfaitaire. Une majoration de 25 % est ainsi due au titre du travail dissimulé. La majoration peut même atteindre 40 % si le travail dissimulé concerne plusieurs salariés, un mineur ou des personnes vulnérables.
L’Urssaf vous inflige le paiement des cotisations sociales éludées avec une majoration. Le redressement s’applique en payant un forfait dont la base s’élève à 11 592 € (comprenant une majoration de 25 %) ou 18 547 € (comprenant une majoration de 40 %).
Le redressement se base sur les chiffres réels et non plus un forfait, si vous pouvez apporter des données réelles sur les rémunérations dissimulées.
Un calendrier de remboursement est mis en œuvre avec l’Urssaf, dans un délai maximum de 5 ans. Il détermine les conditions de paiement des cotisations et majorations.
Attention, en cas de récidive dans les 5 ans ! La majoration sera alors de 45 % au lieu de 25 % ou de 60 % au lieu de 40 %.
Impact du travail dissimulé
Le travail dissimulé a un impact sur l’économie de la France par la perte des cotisations sociales.
Il crée également une distorsion de concurrence avec les entreprises qui respectent les règles.
Pour l’entreprise qui se livre à ces pratiques, c’est le risque de sanctions importantes, pouvant conduire à la fin de l’activité.
Enfin, le salarié, outre les menaces subies au quotidien, est le premier perdant d’une telle pratique. En effet, il ne cotise pas pour ses droits sociaux et ses droits à la retraite sur les salaires éludés par le travail clandestin.
C’est l’opportunité de dénoncer et de mettre un terme à ces pratiques. Le travailleur peut alors obtenir une indemnité forfaitaire complémentaire des autres indemnités de licenciement.
Indemnisation du salarié en cas de travail dissimulé
Souvent, l’employeur finit par mettre ses menaces à exécution : le licenciement du salarié intervient. La rupture du contrat de travail entraîne le paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
C’est une indemnité réparatrice du préjudice subi par l’employé. Elle vient en complément des indemnités de licenciement légales ou conventionnelles.
L’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé correspond à 6 mois de salaire. Elle est due quel que soit le motif de rupture du contrat de travail. Des conventions peuvent prévoir une indemnisation plus favorable.
Important : la condamnation de l’employeur sur le plan pénal ne conditionne pas l’obtention de cette indemnité.
La Cour de cassation estime même que le travailleur peut prétendre à des dommages et intérêts en raison de l’absence de déclarations sociales. En effet, il ne crée pas de droits pour les allocations chômage ou les indemnités journalières de la Sécurité sociale.
Quelle peine pour travail dissimulé ?
- Des sanctions civiles (versement des cotisations sociales majorées),
- Des sanctions pénales (amende et emprisonnement),
- Des peines complémentaires (interdiction d’exercer et de gérer notamment),
- Des sanctions administratives (interdiction de versement des aides publiques, remboursement des aides perçues)
- Une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé pour réparer le préjudice du salarié
Prévention et lutte contre le travail dissimulé
Moyens de prévention dans les entreprises
Les pouvoirs publics renforcent les contrôles des agents de l’Urssaf mais aussi négocient des conventions de partenariat dans certains secteurs d’activité : travail temporaire, logistique du dernier kilomètre, agriculture, gardiennage, photographie.
Ces conventions de partenariat responsabilisent les représentants d’un secteur en prévoyant des actions conjointes avec les pouvoirs publics en matière de lutte contre le travail illégal.
En outre, le ministère du Travail a mis en place une liste noire sur son site internet. Les juges peuvent condamner un employeur à figurer sur cette liste noire au titre des peines complémentaires.
Qui est responsable en cas de travail dissimulé ?
C’est l’employeur qui est responsable du travail dissimulé, quoi qu’il en dise lorsqu’il menace son salarié ! Le plus souvent, lors d’un contrôle Urssaf, les agents de contrôle relèvent des distorsions dans le nombre d’employés ou dans les heures effectuées.
Comment prouver une dissimulation de travail ?
Il faut prouver l’intention de commettre ce délit pour que le caractère pénal soit reconnu.
Un exemple fréquent ? Un salarié conteste devant les prud’hommes la durée de travail ou les heures supplémentaires effectuées et non payées.
Le simple fait de ne pas payer ces heures supplémentaires ne suffit pour prouver l’élément intentionnel. La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 septembre 2015, rappelle que l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé n’est pas due uniquement en l’absence de rémunération d’une partie des heures supplémentaires.
Les juges apprécient souverainement la preuve de l’intention dont voici quelques exemples :
- un refus persistant d’appliquer la loi, même après un rappel de l’administration, sur le refus de prendre en compte le temps de trajet entre deux clients comme temps de travail effectif.
- une dissimulation systématique sur le long terme est un indice de l’intention de se soustraire.
Le salarié doit donc non seulement apporter la preuve de la matérialité de l’infraction mais aussi de l’intention coupable. Faute de quoi, il n’obtiendra pas l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
D’où l’intérêt de travailler votre dossier en amont avec un avocat en droit du travail !
Comment signaler un cas de travail dissimulé ?
Votre employeur ne vous déclare pas du tout ou ne déclare pas toutes les heures réalisées ? Il ne rémunère pas les heures supplémentaires majorées auxquelles vous avez droit.
N’ayez pas peur face à ses menaces ! Contactez le cabinet Howard pour connaître les règles juridiques qui vous protègent en France. Lors d’un premier rendez-vous téléphonique, en visio-conventionnelle ou en présentiel, nous faisons le point sur votre situation précise.
Nous constituons ensuite votre dossier avec tous les éléments matériels pour obtenir l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Avant même la rupture du contrat de travail, il est important de commencer à monter un dossier de preuves tant que vous êtes dans l’entreprise.
Nous étudions ensemble l’intérêt de poursuivre votre employeur sur le plan civil, pénal ou prud’homal en fonction de vos objectifs.