Définition de la prise d’acte
Qu’est-ce que la prise d’acte
Un contrat de travail peut prendre fin à la demande du salarié, de l’entreprise ou d’un commun accord : démission, licenciement, rupture conventionnelle sont des termes familiers du droit du travail.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail intervient lorsqu’un salarié constate des manquements graves empêchant la poursuite de sa mission. Ce mode de rupture à l’initiative du salarié est moins connu mais mérite pourtant toute votre attention.
Le cadre réglementaire et le contexte juridique
La création de la prise d’acte revient aux tribunaux ! La Cour de cassation la consacre dans une décision du 25 juin 2003. Il faudra attendre la loi n°2014-743 du 1er juillet 2014 pour voir apparaître cette notion dans le Code du travail. Initialement, elle repose tout simplement sur la possibilité de rompre un engagement contractuel en cas de non-respect des obligations de l’autre partie.
Notez que la prise d’acte est différente d’une résiliation judiciaire du contrat : le salarié met un terme immédiat à son poste et demande ensuite l’avis des juges.
Les conditions de la prise d’acte
Ce mode de rupture s’applique aux contrats à durée indéterminée (CDI) comme aux contrats à durée déterminée (CDD). Toutefois, le salarié ne doit pas être en période d’essai. Dans ce cas, il lui suffit de mettre un terme à sa période d’essai sans justification.
La charge de la preuve
Le salarié a l’initiative de la procédure : il prend acte de la rupture de son contrat de travail. Ce sera donc à lui de prouver les faits reprochés à son employeur.
Les démarches à suivre :
Exemple de prise d’acte
La prise d’acte impose des manquements graves de l’employeur, empêchant la poursuite du contrat. Par exemple, peuvent constituer des faits graves les situations suivantes :
- discrimination de l’employeur ;
- harcèlement sexuel ou moral, commis par l’employeur ou dans l’entreprise ;
- non-paiement du salaire (partiellement ou totalement) ;
- modification substantielle du contrat sans accord du salarié ;
- etc.
La procédure de la prise d’acte de rupture du contrat
En premier lieu, le salarié doit informer son employeur par écrit de l’impossibilité de poursuivre son emploi. Il doit clairement énoncer les faits et manquements reprochés à l’employeur.
Si aucun formalisme n’existe, l’importance d’un écrit est une évidence au titre des preuves devant le Conseil de prud’hommes. En effet, la saisine du Conseil de prud’hommes sans cette notification préalable à l’employeur s’analyserait comme une demande de résiliation judiciaire… avec les conséquences si le salarié ne reste pas à son poste pendant la procédure !
D’où l’intérêt de faire appel à un avocat. Celui-ci peut d’ailleurs adresser le courrier de prise d’acte au nom et pour le compte de son client à l’employeur !
Puis, le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour obtenir une décision sur la qualification de la rupture du contrat de travail :
- soit un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les juges suivent la position du salarié ;
- soit une démission, si les juges estiment que les faits ne sont pas avérés ou suffisamment graves.
Attention, même si l’article L 1451-1 du Code du travail prévoit que le Conseil de prud’hommes statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine, ce n’est jamais réellement le cas en pratique. En effet, les conseils de prud’hommes étant surchargés, la procédure peut aussi être longue. L’avantage cependant est que vous ne passez plus en audience de bureau de conciliation et d’orientation, mais directement devant le bureau de jugement.
Quels sont les effets de la prise d’acte ?
Dès que le salarié notifie la prise d’acte à l’employeur, le contrat est immédiatement rompu. Le salarié n’a pas besoin d’effectuer son préavis. L’employeur doit lui remettre les documents obligatoires pour toute fin de contrat, notamment :
- certificat de travail ;
- attestation Pôle emploi ;
- solde de tout compte ;
- documents d’information relatifs à l’intéressement, la participation, etc.
Le salarié doit immédiatement saisir le conseil de prud’hommes de son litige (et au maximum dans le délai d’un an à compter de la lettre de prise d’acte). Si les juges estiment que la prise d’acte est justifiée, ils prononcent un licenciement sans cause réelle et sérieuse et calcule le montant des indemnités de licenciement dues au profit du salarié :
- indemnité légale de licenciement (ou indemnité conventionnelle) ;
- indemnité pour licenciement injustifié ;
- indemnité compensatrice de préavis et de congés payés.
Bon à savoir : en présence d’un salarié protégé, les juges prononcent la nullité du licenciement.
Les dangers de la prise d’actes
Attention toutefois aux risques de la prise d’acte ! Si les juges estiment que la prise d’acte est injustifiée, le conseil de prud’hommes prononce alors une démission du salarié. Avec toutes les conséquences attachées à la démission…
Le salarié peut alors devoir verser une indemnité à son employeur pour compenser la non-exécution du préavis.
Et, l’indemnisation ultérieure au titre du chômage sera très difficile à obtenir. La prise d’acte n’entre pas dans les cas de démission légitime.
Enfin, la rupture est définitive : aucun retour n’est possible dans l’entreprise !
Il est donc essentiel d’obtenir l’expertise d’un avocat en droit du travail avant d’effectuer une prise d’acte : en fonction des faits reprochés et des preuves de ces manquements, il vous conseille sur la meilleure façon d’obtenir réparation et de quitter votre travail.
Quelle réponse attendre de l’employeur ?
L’employeur peut être surpris par la notification de la prise d’acte. Il est dans l’obligation de fournir tous les documents attendus par le salarié lors de son départ, pour quelque cause que ce soit. En particulier, le motif de rupture sur l’attestation Pôle emploi doit être prise d’acte et non pas démission !
L’employeur doit réserver ses arguments pour le jugement du Conseil de prud’hommes. En effet, il peut à ce moment-là exposer ses justifications face aux griefs de son salarié.
Dans tous les cas, l’employeur n’a pas à mettre en demeure le salarié de reprendre le travail suite à la notification d’une prise d’acte.
Il est parfaitement inutile que l’employeur adresse une convocation pour un licenciement après la prise d’acte. En revanche, le salarié peut prendre acte de la rupture entre la tenue de l’entretien préalable de licenciement et la notification du licenciement. Sujet sensible pour lesquels l’étude de votre dossier par un avocat sera indispensable avant toute prise de décision !
Quels recours pour l’employeur
Jusqu’à la décision du Conseil de prud’hommes, l’employeur doit attendre et préparer son dossier avec ses conseils et avocats.
Après une décision favorable au salarié, l’employeur dispose des voies de recours habituelles pour tout litige prud’homale.
FAQ :
Quel rôle des prudhommes dans une prise d’acte ?
Le conseil de prud’hommes joue un rôle essentiel après la prise d’acte. Les juges décident si la prise d’acte est justifiée et prononce alors un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais ils peuvent aussi décider que la prise d’acte est injustifiée et prononcer une démission du salarié !
Combien de temps dure une prise d’acte ?
Prendre acte de la rupture de son CDI ou de son CDD est une décision rapide. Le salarié doit ensuite notifier cette décision de prise d’acte à son employeur en exposant les manquements graves qu’il lui reprochent. Puis, il saisit le conseil de prud’hommes pour voir reconnaître ou non sa vision des choses.
Quels sont les effets de la prise d’acte ?
Dans tous les cas, la prise d’acte aboutit à la rupture du contrat . Ensuite, le conseil de prud’hommes se penche sur la justification pour prononcer un licenciement sans cause réelle ou sérieuse ou une démission du salarié.
A-t-on le droit au chômage après une prise d’acte ?
Tant que le Conseil de prud’hommes ne se prononce pas, vous ne percevez aucune allocation chômage. Cela dure jusqu’à la décision du conseil de prud’hommes. Ensuite, le droit au chômage dépend de la décision des juges. S’ils estiment la prise d’acte justifiée, le licenciement injustifié ouvre droit aux allocations de retour à l’emploi (ARE).
Quelles indemnités ne sont pas allouées en cas de prise d’acte injustifiée ?
Les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement ne sont pas dues en cas de prise d’acte injustifiée. Seule l’indemnité compensatrice de congés payés et les versements issus de l’épargne salariale sont à prévoir. En outre, le salarié peut devoir verser à son employeur une indemnité compensatrice de préavis puisqu’il ne l’a pas effectué.
Prise d’acte : exemples & cas pratique
Exemple
Un salarié est victime de harcèlement moral par son supérieur hiérarchique. Alerté, l’employeur licencie le harceleur. Toutefois, le salarié prend acte de la rupture du contrat.
Or, l’employeur a une obligation générale de sécurité envers ses salariés. C’est une obligation de résultat à laquelle il ne peut se soustraire. Le harcèlement moral impacte la santé des employés.
Le maintien dans l’entreprise était-il impossible compte tenu du départ du harceleur ? La Cour de cassation décide de maintenir un équilibre entre la nécessaire indemnisation et la réaction de l’employeur. La chambre sociale considère la prise d’acte justifiée dans ce cas, dans sa décision du 11 mars 2015 : « « L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements ».
Jurisprudences importantes :
L’employeur ne peut plus licencier le salarié
“Rupture sur rupture ne vaut”. Cet adage fait que l’employeur ne peut plus engager une procédure de licenciement à compter de la prise d’acte. En effet, celle-ci aboutit à la rupture immédiate du contrat, qui ne peut donc pas être rompu à nouveau.
La rémunération et les avantages en nature
Les exemples de prises d’acte justifiées sont nombreuses dans la jurisprudence de la Cour de cassation comme le fait de retirer une voiture de fonction à un salarié qui en bénéficiait (Chambre sociale, 16 décembre 2015). Ou le refus de payer des heures supplémentaires effectuées (Chambre sociale, 16 mars 2011). Tout cela fait référence à l’obligation de paiement de la rémunération du salarié.
Le salarié peut retravailler immédiatement
Le salarié est libéré de son emploi immédiatement à compter de la prise d’acte. Il peut tout à fait retravailler chez un autre employeur rapidement. Cela ne doit en rien préjuger de la légitimité de la prise d’acte (Chambre sociale, 21 novembre 2012).
Exemples de prises d’acte injustifiées
Si un retard de paiement du salaire peut entraîner une prise d’acte justifiée, tel n’est pas le cas en cas de non-paiement des seuls jours fériés de manière ponctuelle. Cependant, si ce manquement se répète, malgré des alertes de l’employeur, la prise d’acte pourrait être justifée..
Laissez-nous vous aider
Prendre acte de la rupture de son contrat de travail n’est pas un acte anodin ! Cette décision importante comporte des risques. Le salarié ne peut la prendre seul sur un coup de tête ou un coup de colère. Faites appel aux services d’un avocat spécialisé en droit du travail pour évaluer vos chances de succès auprès du Conseil de prud’hommes. C’est indispensable pour la prise d’acte, créée par les tribunaux : la maîtrise des décisions applicables à votre dossier est un gage de succès.
N’hésitez pas à nous contacter au 01 83 62 19 60 ou à prendre rendez-vous directement ici !
Nous vous conseillons sur la meilleure stratégie, sur le dossier de preuves à fournir, sur le courrier de notification à rédiger à votre employeur. Ne vous laissez pas faire mais ne restez pas seul face à un employeur qui ne veut plus vous écouter.