Licenciement et liberté d’expression

La liberté d’expression est une liberté fondamentale de tout citoyen. Elle est de longue date reconnue dans le domaine du travail par la Cour de cassation. Pourtant, comme tout droit fondamental, la liberté d’expression n’est pas absolue et connaît des limites en cas d’abus. Un licenciement peut ainsi être annulé en cas de violation de la liberté d’expression.

La liberté d’expression du salarié est protégée par les tribunaux

L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que “Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi”.

 

En matière de droit du travail, le salarié jouit pleinement de sa liberté d’expression, au sein de l’entreprise comme en dehors des locaux. Les restrictions apportées doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. C’est ainsi qu’une obligation de confidentialité est valide.

Les tribunaux ont déjà jugé que des propos négatifs sur son employeur diffusés sur les réseaux sociaux relèvent de la liberté d’expression du salarié.

 

Par ailleurs, les salariés, lanceurs d’alerte, bénéficient même d’une protection spécifique pour les inciter à dénoncer des comportements illégaux sans craindre d’être licenciés. Un tel licenciement serait nul de plein droit. C’est l’article L 1132-3-3 du Code du travail qui prévoit cela : “aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié […] pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions”.

 

La Cour de cassation décide que la dénonciation de faits de harcèlement, d’actes de discrimination ou de faits délictueux à l’autorité compétence, sont une manifestation de la liberté d’expression. Par conséquent, le licenciement prononcé serait nul, en l’absence de faute du salarié ou de mauvaise foi caractérisée.

 

Les limites de la liberté d’expression du salarié

La liberté d’expression a comme limite l’abus de droit. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer à ce sujet : l’abus dans l’exercice de la liberté d’expression suppose de prouver l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs :

  •      La diffamation est caractérisée par des termes précis portant atteinte à l’honneur d’une personne.
  •      L’injure doit comporter des mots outrageants.
  •      L’excès est sans doute plus complexe et subjectif.

 

La critique est aisée…et admise envers son employeur. En revanche, les injures, la diffamation ou l’excès ne sont pas possibles. Hélas, la frontière n’est pas toujours simple en pratique dans le monde du travail. Un salarié peut s’exprimer librement envers ses supérieurs, y compris pour critiquer leurs décisions. L’employé a alors le droit d’utiliser des termes vifs… L’appréciation des faits au cas par cas est nécessaire.

 

Les sanctions du licenciement nul pour violation de la liberté d’expression

La nullité du licenciement entraîne la réintégration du salarié ou, s’il ne souhaite pas retourner travailler dans l’entreprise, une indemnisation.

 

Précisons que les barèmes d’indemnisation établis par l’ordonnance du 22 septembre 2017 (“barème Macron”) ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est nul en vertu de l’article L 1235-3-1 du Code du travail. Il s’agit des licenciements prononcés :

  •      en violation d’une liberté fondamentale (comme la liberté d’expression)
  •      pour motif discriminatoire
  •      en raison de faits constitutifs de harcèlement moral ou harcèlement sexuel
  •      en raison de dénonciation de crimes et délits
  •      suite à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
  •      etc.

 

Le salarié peut donc obtenir des sommes bien plus importantes en cas de licenciement pour violation de la liberté d’expression. Un avocat en droit du travail vous conseille sur la méthode adéquate et vous accompagne pendant toute la procédure de licenciement pour faire reconnaître sa nullité si besoin. Il saura demander la réparation de votre préjudice si vous ne souhaitez pas réintégrer l’entreprise.